Une désertification en marche, absence de pluies, rareté des denrées alimentaires… Si plusieurs communautés vivant dans le sud de Madagascar décident de rallier le nord, certaines personnes telles que Periliny préfèrent faire face à leurs réalités. Dans un cas comme dans l’autre, les décisions sont loin d’être sans risques, plus particulièrement pour les femmes et les filles.
Contraintes climatiques
A peine la trentaine, elle paraît en avoir le double. Periliny, mère de 5 enfants, vit à Ampanihy, dans la région Atsimo Andrefana. Comme beaucoup de femmes dans sa localité, elle lutte seule pour survivre à la grande sécheresse qui frappe cette partie de la Grande île depuis plus de cinq années successives maintenant.
« Les terres ne produisent plus et le père de mes enfants a décidé de partir dans le nord, à Nosy Be, pour chercher de l’emploi en me laissant seule avec nos cinq enfants. Il est parti depuis plus de cinq ans maintenant sans nous donner de nouvelles. Je me retrouve donc seule, ici, à m’occuper de nos enfants sans sources de revenus stables », témoigne-t-elle.
Le cas de Periliny n’est pas isolé. De nombreuses femmes dans le grand Sud de Madagascar subissent de plein fouet les impacts de ce fléau qu’est la sécheresse. L’incapacité des terres à nourrir les populations y a engendré une famine prolongée poussant les familles à migrer. Si certains prennent la direction du nord de l’île, d’autres s’orientent vers le Menabe. Ce qui engendre des conflits sociaux et des problématiques environnementales importantes.
Une denrée rare
Le changement climatique a entraîné une intensification des cycles de l’eau à l’échelle mondiale. Et les communautés du sud de Madagascar se retrouvent comme étant des victimes de choix. En effet, sans eau et sans cultures, aussi bien les hommes que les femmes finissent par partir. « L’eau est tellement rare. Nous dépensons en moyenne 1 500 ariary par jour en approvisionnement en eau. Mais des fois, on se retrouve contraints de vivre avec uniquement un bidon de vingt litres. Ce qui va nous servir tant pour la cuisson et la lessive, que pour notre toilette », nous explique Periliny.
En avril, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a présenté les résultats d’une étude sur l’impact de l’insécurité humaine sur la migration interne. Cette étude a alors confirmé que « l’insécurité humaine pousse les gens à migrer, impacte leur sécurité tant dans les zones de départ que d’arrivée, et que le manque de gestion adéquate de la migration aggrave ces impacts ».
De nombreuses femmes migrantes se heurtent en effet à différents types de violence en cours de route. Sans compter celles subies dans leur foyer. A titre d’exemple, Periliny, est une survivante de violence basée sur le genre. Avec l’appui et les conseils fournis au niveau du Centre d’écoute et de conseils juridiques (CECJ) d’Ampanihy, elle a pu bénéficier d’une formation en coupe et couture. Ce qui constitue l’une de ses sources de revenus.
Fragilité économique accrue
« Nous n’avons pas beaucoup de moyens de subsistance. Malgré la formation que j’ai obtenue, il m’est toujours difficile de me procurer les tissus. Et même lorsque j’arrive à produire, les prix sont dérisoires. Cela ne nous permet même pas de vivre comme il faut d’autant plus que les gens n’achètent que les samedis, jour de marché. » Ainsi, pour s’en sortir, Periliny se doit-elle de trouver d’autres sources de revenus.
« Toutes les activités de notre communauté dépendent de la pluie », soutient-elle. Une note conceptuelle sur la sécurité climatique au Sénégal réalisée avec le soutien de l’initiative du Groupe consultatif international pour la recherche agricole ou CGIAR sur la résilience climatique atteste d’ailleurs que « les changements climatiques globaux peuvent limiter ou mettre en péril la disponibilité de ressources majeures, telles que l’eau potable, les eaux des grands fleuves, les terres arables, les forêts et les pêcheries ».
Cette dure réalité constitue pourtant le quotidien des communautés du grand sud de Madagascar. « Il n’y a pas d’eau. Pourtant, comme certains de mes enfants sont scolarisés, je n’ai d’autres choix que de m’assurer de leur propreté », affirme Periliny. Une tâche qui s’avère difficile pour cette mère de famille « vue la rareté de l’eau ». « Aujourd’hui, nous devons parcourir des kilomètres pour pouvoir nous approvisionner. Et ce n’est pas évident du tout » souligne-t-elle.
Adaptation
Le secteur agricole absorbe « 70 à 80% de la consommation d’eau et qui fait partie intégrante des systèmes agroalimentaires », peut-on lire dans une publication du CGIAR en date du mois de septembre dernier et qui s’intitule « Une transition juste dans le système agroalimentaire ». Aujourd’hui, d’après la note conceptuelle sur la sécurité climatique au Sénégal « des signes indiquent déjà que les répercussions des changements climatiques sur les ressources en eau transfrontalières, la sécurité alimentaire, le niveau des mers, les risques d’inondation et les schémas de migration, nécessitent une adaptation et une atténuation à grande échelle, ainsi que des mesures de réduction des risques de catastrophe et de renforcement de la résilience ».
Certes, sur la période mai 2024 à avril 2025, l’analyse IPC (le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire de l’insécurité alimentaire) stipule qu’il y a une « notable amélioration de la situation de sécurité alimentaire dans le Grand Sud ». Néanmoins, la zone reste « fragilisée par le phénomène el niño » précise le bulletin. L’IPC est « un ensemble d’outils » qui permet « d’analyser le processus et de classifier la sévérité de l’insécurité alimentaire suivant des normes scientifiques internationales ».
Avec Betioky Atsimo, Benenitra et Sakaraha, Ampanihy Ouest fait partie des districts dont les projections sur la période de janvier à avril 2025, affichent une « dégradation plus accrue de la situation de la sécurité alimentaire » avec « 1,78 million de personnes » catégorisées en phase 3 de l’IPC et plus. Ce qui implique un besoin d’actions urgentes. La phase 3 signifie une malnutrition aiguë considérée comme « sérieuse ».
Questions du genre
La COP29 est l’opportunité pour l’Afrique de s’attaquer à ces questions du genre dans le contexte de changement climatique. Les négociateurs et les experts africains sont d’ailleurs à pied d’œuvre dans le but de se doter des meilleurs moyens leur permettant de défendre les priorités du Continent. Il s’agirait notamment d’exhorter les pays développés à « continuer de s’engager à appuyer les efforts relatifs à l’égalité des sexes ».
Le groupe plaide également en faveur de « mécanismes financiers spécifiques pour promouvoir l’égalité des sexes au moyen d’instruments de financement de la lutte contre le changement climatique dans le cadre de la Convention-cadre des Nations unies sur les Changements climatiques (CCNUCC). Comme l’a souligné Angela Ebeleke, spécialiste en genre, « il est très important de s’attaquer à la question de l’égalité des sexes pour l’adaptation en Afrique. Le Plan d’action en faveur de l’égalité des sexes (GAP) devrait donc être un élément clé de la COP29 ».