Des carcasses métalliques, des coques éventrées par la fureur des tempêtes et la force des vagues, des squelettes rongés par le sel et le temps font depuis des années partie du paysage maritime malgache. Le spectacle fascine certains, intrigue d’autres. Il alerte certains esprits, ceux animés par la protection et la conservation de l’environnement. De simples boutres à des goélettes transportant des marchandises et des hommes, en passant par des bateaux de pêche, plusieurs navires gisent actuellement sous les eaux marines malgaches. Ils sont une cinquantaine à être éparpillés sur les côtes du pays, d’après le dernier recensement initié par le gouvernement malgache via le Ministère des Travaux Publics et des Transports, datant de plusieurs années, avec la participation du Ministère de l’Environnement, des Eaux et Forêts (devenu le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable). Les facteurs ayant conduit à leur échouage varient d’un navire à l’autre. Certains ont été victimes d’accidents ayant entraîné leur perte totale, constituant ainsi une menace pour l’environnement marin.
Des bombes à retardement
Le risque de contamination du milieu marin est soulevé par le rapport produit par les deux départements ministériels. Datant de l’année 2005, le document soulève, par exemple, le cas du navire « Wellborne », échoué le 7 août 1994 au port de Fort-Dauphin. L’épave contiendrait 23 750 tonnes de manganèse. Les risques de toxicité ont été alertés par le Centre National de Recherche Environnementale (CNRE) via un rapport ayant servi à la rédaction du rapport d’inventaire.
Selon le CNRE, « les toxicités risquent de se manifester lorsqu’une fraction importante de manganèse se trouve à l’état réduit (Mn++). Les ions Mn++ assimilés en grande quantité par les végétaux et les animaux marins peuvent entraîner des troubles physiologiques graves. Il faut aussi noter les effets perturbateurs du plomb contenu dans le manganèse sur la vie aquatique à partir de 0,1 mg/l. L’absorption d’une quantité importante de manganèse peut provoquer chez l’homme une intoxication chronique du type de la maladie de Parkinson. »
À cela s’ajoute le navire Elena, échoué le 2 février 1994 à l’embouchure du fleuve Ivoloina. Cette épave aurait abrité 14 855 tonnes de marchandises, dont 13 767 tonnes de ciment et 1 088 tonnes de fer, ainsi que 750 tonnes de fuel-oil. La lecture du document révèle que 6 000 tonnes de cargaison ont été débarquées et qu’un contrat d’enlèvement a été conclu entre un opérateur de Toamasina et le ministère de tutelle. L’inventaire déplore également que les travaux n’aient pas été achevés (au moment de la publication du document). Le risque de contamination du milieu marin par les hydrocarbures stockés dans l’épave, en raison de l’érosion du réservoir, est à craindre s’ils se trouvent toujours dans la zone d’échouage.
En gestation
Les épaves abandonnées avec leur cargaison constituent une véritable problématique environnementale et un enjeu pour les transports maritimes. Elles engendrent des gênes à la navigation et entravent les opérations de sauvetage. Les incidents environnementaux tels que les déversements d’hydrocarbures, la nuisance au paysage littoral, la pollution, la dégradation des récifs coralliens ou encore les incidences sur les écosystèmes marins sont fortement à craindre si des mesures concrètes, concertées et suffisamment cohérentes ne sont pas prises.
Un projet d’inventaire des épaves de ces dernières années serait actuellement en cours de préparation. L’objectif est de récapituler la situation de ces structures, d’analyser sommairement leurs incidences sur l’environnement en tenant compte de leur situation géographique ainsi que de la spécificité de leurs cargaisons. Il s’agit également de les prioriser en fonction des risques et dangers qu’elles représentent pour l’environnement. Des plans d’action devraient également découler de cet inventaire afin de procéder à leur enlèvement.
Jusqu’à présent, les données relatives aux épaves échouées sur les côtes et au large du pays se cantonnent à celles d’il y a vingt-cinq ans. Une chose est sûre, ces données donnent un aperçu des dangers et des menaces qui pèsent sur l’environnement marin malgache depuis des décennies.