En pleine COP, l’autoroute et la route du soleil inquiètent les organisations de la société civile malgache

L’autoroute devrait permettre de relier Antananarivo à Toamasina, le principal port du pays. Mais les impacts environnementaux sont pointés du doigt par les organisations de la société civile. Elles ont profité de la tribune de la COP29 en remettre une couche.

📸 © INDRI – Réussir le changement à Madagascar

Voir Andry Rajoelina, le chef de l’Etat, faire le VRP d’une entreprise réalisant un projet n’est pas une chose nouvelle. Ainsi, le 14 novembre dernier, sur le site du PK 0 de l’autoroute, à Ambodifasina, le Président, accompagné du président du Sénat, du vice-président de l’Assemblée nationale pour la province d’Antananarivo, du ministre des Travaux publics, du gouverneur d’Analamanga et de diverses autres autorités, explique fièrement que « grâce à l’utilisation de technologie de pointe, la construction de l’autoroute va accélérer. La première section de 80 kilomètres partant d’Ambodifasina sera livrée d’ici décembre 2025 ». Sauf qu’à 6 600 km de là, dans les couloirs de la COP29, ce projet inquiète.

Exploitations illégales

Les Organisations de la société civile malgache (OSC), avaient déjà tiré la sonnette d’alarme en juillet dernier. Mais les appels, sont semble-t-il tombés dans les oreilles d’un sourd. « L’autoroute Antananarivo-Toamasina, dont la construction a débuté, doit traverser deux aires protégées : Anjozorobe Angavo et le Corridor Ankeniheny-Zahamena (CAZ), qui contiennent plus de 10 % des forêts primaires restantes de Madagascar. Les données mondiales sont claires : la construction de routes en forêt tropicale entraîne une déforestation massive. Dans un rayon de 50 km autour de nouvelles routes, jusqu’à 95 % des forêts environnantes sont menacées, note un nouveau communiqué de 50 organisations malgaches et internationales. Les routes projetées ouvriront l’accès à l’exploitation illégale de bois, à la production de charbon, à l’agriculture sur brûlis et à l’exploitation minière, rendant la déforestation inévitable. Détruire ces forêts mettrait en péril la sécurité alimentaire et hydrique de millions de personnes, et aggraverait la pauvreté rurale. Madagascar affiche déjà le taux de pauvreté le plus élevé au monde : 80,7 % ».

« Route du Soleil »

L’administration avait promis de retravailler le tracé mais aucune information concrète n’a été partagée, pour le moment. Même si, en juillet, Livah Ndriamihaia Andrianatrehina, l’ancien ministre des Travaux publics, avait expliqué qu’« il y a eu d’abord une obligation de changement de tracé demandée par le ministère des Travaux publics, car le tracé initial avait suivi le talweg, c’est-à-dire que ce tracé avait empiété toutes les rizières. A la suite des doléances de la population, au département des Travaux publics, nous avons choisi cette réorganisation ».

Il s’agit notamment de rizières mais la question des forêts n’avait pas été abordée. Une autre infrastructure, la « Route du Soleil » Nord-Sud, annoncée par le président, suscite également les inquiétudes. « (Elle) menace d’autres aires protégées », préviennent les signataires du communiqué. Le projet de Andry Rajoelina, entend relier la Grande île, du Sud au Nord en longeant le littoral Est.

Mécanisme

Pour la société civile, le Fonds monétaire international (FMI) est complice. « (Ces) projets routiers menacent de traverser les derniers corridors de forêts primaires de Madagascar. Le FMI ferme les yeux et accorde un financement de 658 millions de dollars, dont 321 millions destinés à la résilience climatique. Nous exhortons le FMI à réévaluer d’urgence les conditions attachées à ce financement », enjoignent les OSC dans leur communiqué. En juin 2024, le FMI a annoncé deux programmes de financement pour Madagascar : la Facilité Élargie de Crédit (FEC) de 337 millions de dollars et la Facilité de Résilience et de Durabilité (FRD) de 321 millions de dollars.

Ce mécanisme est destiné à renforcer la capacité du pays à faire face au changement climatique. « Cependant, les conditionnalités attachées à ce financement sont extrêmement faibles, et ignorent le projet d’autoroute qui était pourtant connu. La plupart des groupes de la société civile malgache spécialisés dans les questions environnementales n’ont même pas été consultés par le FMI lors de la définition de ces conditionnalités. Cela a conduit à cette situation totalement incohérente, qui doit être corrigée d’urgence avant le déblocage des fonds », alerte les 50 organisations malgaches et internationales signataires du communiqué.

Le communiqué rapporte également une déclaration de Kriton Arsenis, Fondateur du mouvement RoadFree et ancien Membre du Parlement Européen. « Si ces routes sont construites, il ne restera plus beaucoup de forêt tropicale à Madagascar. Le FMI portera la responsabilité d’avoir fermé les yeux et financé le gouvernement. » Les OSC suggère aux autorités de « donner l’exemple en réalisant la première Évaluation Environnementale et Sociale Stratégique complète à Madagascar, respectant les principes définis dans la révision en cours des réglementations sur la compatibilité environnementale des investissements et l’intégration des considérations sociales dans la prise de décision » et au FMI de « revoir les conditions environnementales et sociales liées à la Facilité de Résilience et de Durabilité (FRD), en exigeant le respect des aires protégées, et le respect des normes internationales pour la conduite de grands projets d’infrastructure ».

Raoto Andriamanambe

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