Bleen : Vous avez pris part à la Conférence de la Semaine Mondiale de l’Éducation aux Médias et à l’Information, quels en étaient les enjeux ?
Barkat Bin Saïda Matazaky et Ny Aro Andriamiarosoa (B.B.S.M et N.A.A) : La Semaine mondiale de l’éducation aux médias et à l’information de 2024, organisée par l’UNESCO, s’est concentrée sur les défis posés par la prolifération de fausses informations et de contenus de désinformation, exacerbés par l’essor des technologies numériques et de l’intelligence artificielle (IA).
Sous le thème « Médias et intelligence artificielle : former des citoyens critiques et informés, » l’événement avait pour objectif de renforcer les compétences des citoyens dans l’évaluation des informations de manière critique dans un monde où l’IA est omniprésente dans les médias.
Plus spécifiquement, lors des débats et des multiples présentations durant la Conférence, il a été maintes fois soulevé que pour combattre les manipulations d’information à l’ère du développement technologique à travers l’expansion graduelle et rapide de l’intelligence Artificielle, l’éducation à l’information et au média auprès de nos jeunes est d’une grande nécessité.
Pourquoi l’éducation aux médias et à l’Information est importante pour l’environnement ?
B.B.S.M et N.A.A : A l’ère du numérique ou une grande proportion de la population mondiale, notamment les jeunes, constitue des générations très connectées, l’éducation aux médias et à l’information relève d’une très grande importance sur plusieurs aspects dont la sensibilisation et l’éducation environnementale en se basant sur des sources fiables.
Dans un contexte de vulnérabilités climatiques accrues auxquelles le pays fait face également s’illustrant par les différents risques de catastrophes naturelles tel que le cyclone, les inondations et la sécheresse, l’EMI auprès de la population est également un moyen de mobiliser la population à chercher et à vérifier avant toute chose les informations avant de les répandre sous plusieurs formes dont le bouche à oreille, usuellement.
En d’autres termes, cela pourrait garantir un meilleur accès à l’information de qualité, permettant à tout un chacun de connaître les situations environnementales au niveau du pays, sans qu’il n’y ait polémique ou ambiguïté dans la transmission des informations.
Pouvez-vous nous expliquer le projet que vous avez « désigné »?
B.B.S.M et N.A.A : Notre projet s’appelle « l’écho des idées ». Le projet a été initié l’année dernière dans un contexte d’élection présidentielle où l’objectif principal était de rendre plus accessible et facile à comprendre par le public, notamment les jeunes, les projets de société des candidats axés spécifiquement sur la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, à travers la conception de mini vidéos et de podcasts de moins d’une minute publiée sur Facebook, tik tok, Instagram et d’autres plateformes telles que LinkedIn.
Ayant des ambitions plus importantes et une vision plus élargie, CliMates Madagascar a décidé de créer « l’écho des idées », un projet tenant compte de plusieurs contextes dans le pays dont : l’accès limité des informations, les vulnérabilités environnementales et climatiques ainsi que les grands défis économiques et sociaux.
Considérant que l’accès à l’information de qualité et de source fiable est primordial pour renforcer la résilience de chaque communauté face à tous ces aléas, dans le cadre de la lutte contre la désinformation, l’organisation a décidé d’étendre ses champs d’actions à travers deux véhicules de changement dont la sensibilisation et l’éducation au média et à l’information auprès des jeunes et l’utilisation de la radio comme outil principal de transmission d’informations fiables et de qualité.
A l’issue de ce projet d’un an, nous souhaitons toucher plus de 1 000 jeunes et 50 communautés les plus enclavées en leur fournissant des radios-cassette. L’une des spécificités de « l’écho des idées » réside également dans la création de contenus variés par rapport à l’an dernier s’étendant sur diverses thématiques allant bien au-delà du changement climatique mais également dans l’approche voulant adopter une communication inclusive.
Par rapport aux grandes préoccupations actuelles en termes d’environnement, que faut-il faire ? Et quels sont les rôles de la jeunesse ?
B.B.S.M et N.A.A : Pour pallier aux différents problèmes environnementaux tels que la déforestation, la gestion des ressources naturelles et les conflits fonciers, la désertification et la perte de biodiversité, plusieurs actions à plusieurs niveaux devraient être entreprises par différents acteurs dont l’Etat, la société civile mais aussi le secteur privé. Cependant, il faut d’abord fédérer toutes actions pour créer une synergie, ensuite.
Nous estimons que les solutions sont multiples mais la durabilité des actions à entreprendre dépend des efforts tant au niveau individuel que collectif. En ce sens, il faudrait mettre en accord les actions de chaque partie prenante dans l’atteinte d’un objectif commun, combattre les fléaux auxquels nous faisons tous face.
Avec une population constituée en grande majorité de jeunes, soit l’équivalent de 64% de la population, les rôles de la jeunesse malgache sont multiples. Que cela soit dans le domaine de la recherche innovante, la sensibilisation et le plaidoyer. Les jeunes peuvent constituer un réel vecteur de changement dans la mesure où, en se mobilisant chacun au niveau de chaque communauté, suivant ses expertises pourrait garantir de réelles solutions pérennes.
L’union de leur voix face à toutes les préoccupations actuelles pourrait également constituer un plaidoyer de grande envergure pour pousser les différents responsables à mettre en avant des actions efficaces et répondant aux réels besoins de la population sur le long terme.
Partagez-nous la vision et les ambitions de Climates?
B.B.S.M et N.A.A : Ayant pour devise au niveau international “empowering the climate generation”, CliMates Madagascar a pour vision d’utiliser les médias et les réseaux sociaux en vue de garantir une transparence et une nette accessibilité des informations environnementales et climatiques à Madagascar sur la base de la recherche scientifique, le journalisme d’investigation, le plaidoyer et la sensibilisation des jeunes.
Sur le long terme, nous ambitionnons de devenir un cabinet de jeunes experts en environnement et en changement climatique, leader de la recherche innovante sur les solutions basées sur la nature dans l’océan Indien.
Pénurie d’eau, coupure d’électricité… tous ces problèmes sont liés à l’environnement. Quels sont vos points de vue?
B.B.S.M et N.A.A : Même si les médias et les projets humanitaires se tuent à dire que le Sud est aride et ne possède pas d’eau, nos récents voyages à travers l’île démontrent le contraire. De manière générale, en termes de ressources naturelles, Madagascar n’est pas à nous plaindre, nous possédons toutes les ressources nécessaires pour les besoins de l’Homme même si la quantité se trouve aujourd’hui diminuer.
Mais quel est le problème ? En premier lieu, la politique. Nos centrales hydroélectriques ont été conçues pendant la colonisation, pour alimenter quelques maisons, l’administration coloniale et une poignée de ménages. Les administrations qui se sont succédé durant les différentes républiques n’ont pas su décentraliser l’électricité et l’eau potable partout à Madagascar.
Or, les zones enclavées se multiplient de jour en jour avec la dégradation flagrante des routes. Cette réponse latente de l’Etat a entrainé une exode rurale massive vers Antananarivo qui est aujourd’hui saturé et incapable de se défendre contre les agressions anthropriques à son encontre. En deuxième lieu, nous constatons également que les techniques et les mesures d’accompagnement pour avoir accès à l’eau et à l’électricité ne répondent pas à la réalité du terrain et des conditions socio-climatiques de notre île : par exemple, privilégier l’huile lourde contre un investissement pour les énergies renouvelables ?
Il est essentiel de mettre en place des systèmes agro écologiques intégrés dans le Sud pour collecter l’eau pendant les fortes pluies ou encore d’utiliser les différentes “nature-based solution” promus au niveau international. En troisième et dernier lieu, le changement climatique affecte grandement notre capacité à trouver des ressources, mais pourtant, nos ressources existent encore, nous pouvons encore changer les choses. C’est dans ce contexte, que le projet “Idea’s echo” est important pour lutter contre la mauvaise information et les fake news que les médias relayent puisque la réalité est souvent différente des médias.