Fosa et Lémuriens : le cercle vicieux d’un déclin parallèle

Tapi dans la forêt sèche de Kirindi, région Menabe, une silhouette agile se faufile entre les troncs d’arbres tordus et les buissons épais. Prédateur solitaire et silencieux, le Fosa (Cryptoprocta ferox) arpente les lieux à la recherche d’une proie à se mettre sous la dent. Ses proies préférées ? Les lémuriens, qui représentent environ 50 % de son régime alimentaire.

Le Fosa est le plus grand prédateur terrestre de Madagascar. Il fait partie de la famille des Eupleridae et est souvent assimilé à un félin. Le « le félin » de Madagascar connait très bien la forêt de Kirindi. Celle-ci est pour lui un terrain de chasse et un lieu de vie. Entre les feuillages compacts, les trous d’arbres et l’anfractuosité rocheuse, l’animal évolue en étant un symbole et protecteur de la biodiversité unique et riche de Madagascar. Ses particularités lui permettent de régner en maitre dans cet écosystème. Avec son pelage fauve, tacheté de noir, il peut facilement se fondre dans le décor. Il est quasiment invisible dans ses déplacements. Ses instincts sont parfaitement adaptés au milieu unique de la forêt de Kirindi. Un terrain où il peut aussi bien grimper que courir. Et le moins que l’on puisse dire est que le Fosa se déplace avec une rapidité étonnante.

Un animal peu connu

Cette espèce exceptionnelle que l’on  ne trouve qu’à Madagascar est pourtant classée « vulnérable » dans la Liste rouge de l’IUCN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). La population des fosa est en déclin. Les estimations de leur nombre varient en fonction des sources et des périodes. Certaines études suggèrent que la population totale vivant dans les zones protégées est inférieure à 2 500 adultes, tandis que d’autres avancent des chiffres plus élevés. Les données de la WCS Madagascar indiquent que seules deux aires protégées – le parc national de Masoala et le parc national de Midongy Sud – abriteraient plus de 500 individus chacune. De son côté, le San Diego Zoo Animals estime la population sauvage à environ 2 500 individus. En somme, les estimations effectuées par les acteurs de la conservation s’accordent sur un total d’invidivus d’à peu près 2500 individus répartis dans tout Madagascar. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour affiner les données.

L’homme, plus danger de la biodiversité

Ce déclin est attribué aux fortes pressions anthropiques auxquelles ces espèces font face. Fragmentation de l’habitat, conflits avec les communautés locales et déforestation sont les principales menaces qui pèsent sur le royaume du Fosa. L’agriculture sur brûlis, les exploitations forestières, l’expansion des cultures réduisent de façon considérable son habitat naturel. La fragmentation des forêts isole les populations. Ce qui limite la diversité génétique et l’accès à la nourriture. Prédateur de nature, le Fosa est perçu par la population locale comme une menace pour les volailles. Il est ainsi chassé tant pour cette raison que pour des croyances culturelles dans certaines régions de l’île. Les activités humaines ont une double conséquence sur la survie de ces espèces. La perte en couverture forestière et la fragmentation des espaces vitales provoquent la raréfaction des lémuriens qui sont les proies principales des fosa. Les lémuriens subissent également de pleins fouets les affres de la déforestation. Les deux espèces dépendent des mêmes forêts tropicales malgaches. La disparition de l’un accélère celle de l’autre. Ce qui provoque un effondrement de la biodiversité. La déforestation continue de grignoter son habitat. Les écosystèmes qui ont évolué en symbiose pendant des millions d’années s’effondrent au vu et su de tous.

Un précieux super prédateur

La survie à long terme du Fosa est en danger. La préservation de l’espèce est cruciale pour maintenir l’équilibre des écosystèmes malgaches. En effet, il joue un rôle clé dans la régulation de la biodiversité. En contrôlant les populations de lémuriens, d’oiseaux, de rongeurs et de reptiles, il empêche la surconsommation de certaines ressources, notamment végétales, contribuant ainsi à leur prolifération et à celle d’autres espèces qui en dépendent.

L’unique prédateur malgache favorise également la sélection naturelle au sein des populations des proies. La santé générale des écosystèmes forestiers en dépend grandement. Ce statut de prédateur influe également sur le comportement des autres espèces comme les lémuriens. Notamment, en impactant sur leur modes de déplacement, leurs stratégies d’évitement, l’utilisation de l’habitat.  Avec toutes ses particularités, le fosa contribue de façon conséquente à la dynamique écologique des forêts. Il garantit ainsi la stabilité des chaînes alimentaires et la répartition des espèces dans les différents biotopes malgaches. La disparition du fosa entrainerait des pertes biologiques tragiques. Son sort est intimement lié à celui des lémuriens. Si l’un disparaît, l’autre suivra, et avec eux, c’est l’ensemble des forêts malgaches qui sera en péril. La préservation de ces deux espèces garantit la survie des écosystèmes uniques de la Grande île. Ce qui commence par la protection des forêts, leur habitat naturel.

José Belalahy

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