La région Sofia constitue un poumon de la biodiversité de la Grande île, même si elle est généralement assez méconnue. En termes de superficie, à l’échelle de la Grande île, elle est la deuxième après Atsimo Andrefana. En termes de richesses en biodiversité, elle la première, avec ses quelque 450 km de zones côtières, ses 5 baies, 3 sites Ramsar, 12 aires protégées et ses espèces animales et végétales endémiques.
Plan de partage
Grâce à ces richesses naturelles, la Sofia sera également une pionnière dans la vente de crédits carbone. En effet, avec la Sava, Diana, Analanjirofo, et Atsinanana, elle a bénéficié du premier programme du programme REDD+ (Réduction des émissions de carbone dues à la Déforestation et à la Dégradation des forêts) pour lequel Madagascar a perçu, pour la première fois de son histoire, 8,8 millions de dollars en crédits carbone de la Banque mondiale en 2023.
15 communes de la Sofia percevront des bénéfices carbones, issus de la vente des réductions d’émission certifiées et distribués aux parties prenantes conformément à un plan de partage et à un plan d’utilisation définis par décret. « Ces revenus seront, soit en numéraires, notamment pour payer les émoluments des patrouilles forestières par exemple, ou alors non numéraires. Ce qui consistera en des services ou en construction d’infrastructures. Une fois toutes les procédures bouclées, les revenus devraient être disponibles sur les comptes communaux d’ici la fin de ce mois de mai », explique le Dr Clermond Manantsoa, Directeur régional de l’Environnement et du développement durable (DREDD) de la région Sofia.
Périls
La région a un autre atout dans sa manche : un écosystème luxuriant sur ses côtes à travers près de 50 000 hectares de mangroves. En plus d’offrir abri et ressources aux populations, la mangrove est l’un des écosystèmes qui stocke le plus de carbone, quatre fois plus que les forêts tropicales terrestres. « Malheureusement, une partie de cette mangrove est dégradée et ploie sous la pression des activités humaines. Le bois des palétuviers est notamment transformé en charbon de bois, meubles ou en bois de chauffe. La destruction de cet écosystème stratégique peut causer la perte d’habitat pour les crabes, les crevettes… Or, la Sofia pourvoit notamment 80% des besoins en produits halieutiques de Mahajanga », fait savoir le Directeur régional de l’Environnement et du Développement durable. Face aux périls occasionnés par les pressions humaines, la région a lancé un appel aux partenaires œuvrant dans la restauration et la conservation de mangroves.
Compensation
« Beaucoup ont répondu à l’appel, dont Planète Urgence, Blue Ventures, Bôndy. A travers un mécanisme de transfert de gestion, nous avons promu des solutions à long terme consistant à mettre en œuvre d’autres activités génératrices de revenus pour les populations concernées, en alternative à l’exploitation des mangroves », poursuit-il. Pour compenser les besoins en bois notamment, les communautés ont été réorientées vers les zones de forêts terrestres pour planter des arbres à vocation bois énergie et en augmenter les surfaces de reboisement.
Pour les communautés de pêcheurs, les actions consistent à promouvoir la pêche côtière durable avec Madagascar National Parks (MNP) pour améliorer les chaînes de valeurs dans le métier. « Il est bel et bien possible d’obtenir des ressources financières grâce aux produits écosystémiques forestiers. Grâce aux partenaires, plus de 1 000 hectares ont été restaurés rien que pour la seule année 2024 », se réjouit le Dr Clermond Manantsoa. Les acteurs œuvrant dans la conservation et restauration des mangroves commencent de plus en plus à se manifester. Le modèle de la vente carbone induit des impacts positifs sur les communautés et encourage une appropriation des actions de réhabilitation et de conservation.
« Jusqu’à maintenant, seul le Bureau National de Coordination des Changements Climatiques – REDD+ (BNCC- REDD+) est habilité à vendre du carbone. Mais personnellement, je pense qu’il est concevable et imaginable de promouvoir la vente de carbone. Quand les citoyens sont associés et ont un sentiment d’appartenance, ils fournissent plus d’effort dans la préservation, d’autant que l’on parle de vendre quelque chose d’immatériel, d’invisible. Mais il faudra une bonne coordination », conclut le Dr Clermond Manantsoa.