Madagascar : les mangroves renaissent de leurs cendres

Une étude publiée dans Global Ecology and Conservation analyse les tendances de la couverture des mangroves de Madagascar sur une période de 50 ans. Basée sur des données satellitaires Landsat, elle apporte une vision détaillée de l’évolution des écosystèmes de mangroves, de leur déforestation et de leur régénération récente.

L’estuaire de mangroves d’Irodo, situé à la pointe nord de Madagascar, offre un spectacle époustouflant. Les mangroves y sont particulières : elles culminent à plus de dix mètres de hauteur et font partie de la huitième espèce sur les neuf existantes à Madagascar. « Un taux de croissance qui s’explique par l’existence de l’embouchure dénommée Vavan’Irodo, qui joue un rôle important dans l’apport en sédiments et en éléments nutritifs », explique Soankasina Gaétan Armel, représentant de Conservation International dans le secteur Fierena, zone nord de Madagascar.

Dans cette partie de l’île, la vue du décor en dit long : la nature a repris ses droits. Avec leurs racines qui s’entremêlent et sortent de l’eau/des terres, les forêts de mangroves constituent un abri idéal pour de nombreuses espèces : oiseaux, chauves-souris, tortues ou encore crocodiles. Dédé Kinkou, pêcheur et patrouilleur assurant la sécurité et la conservation des espèces dans cet estuaire, témoigne du retour des mangroves : « Les efforts de conservation et de régénération entrepris depuis des années ont conduit aux avancées actuelles, tant sur l’augmentation de la couverture des mangroves que sur le retour de certaines espèces d’animaux et de végétaux dans cette partie d’Antsiranana. »

Place à la conservation

Comme dans le nord du pays où les mangroves affichent « une certaine bonne santé », les forêts de palétuviers s’étendent sur des milliers d’hectares dans le sud-ouest. La régénération des mangroves de Madagascar est confirmée par une étude qui répertorie et analyse cinquante années de données satellitaires. Publiée dans Global Ecology and Conservation, cette étude offre une vision optimiste mais nuancée de la dynamique des mangroves à Madagascar.

Globalement, la tendance montre une reprise. L’analyse démontre également que les efforts de conservation et l’implication des communautés sont les clés pour garantir la résilience de ces écosystèmes critiques pour l’environnement et les populations locales

Une renaissance après des décennies de destruction

Une inversion de tendance spectaculaire. C’est ainsi que l’on peut résumer la situation actuelle des mangroves de Madagascar. Après avoir perdu 8 % de leur couverture entre 1972 et 2019, elles regagnent du terrain. Les effets de la déforestation et des pressions humaines, à l’origine de leur destruction, sont moins présents et moins impactant.

L’année 2010 a marqué un tournant dans cette reconquête. Les chiffres publiés dans le cadre de cette étude parlent d’eux-mêmes : une augmentation de 5 % du taux de couverture entre 2009 et 2019. Cette renaissance est particulièrement marquée dans le centre et le sud de l’île. Melaky affiche une progression de 12,5 %, tandis que Menabe explose avec une hausse de 17,7 %.

La clé du miracle

L’essor des aires protégées est un facteur décisif dans ce redressement. L’analyse des statistiques relatives aux mangroves bénéficiant ou non d’une protection permet de mieux comprendre la situation. En 1999, seules 55 km² de mangroves bénéficiaient d’un statut de protection. Vingt ans plus tard, ce chiffre a grimpé à 938 km². Résultat : dans ces zones, la couverture a progressé de 8,7 %, contre seulement 3 % ailleurs.

Le décret de 2014, interdisant l’exploitation du bois de mangrove, a également joué un rôle clé dans ces avancées. À cela s’ajoutent les initiatives locales de reboisement et les financements pour la conservation. « On nous a impliqués dans la conservation des mangroves et la lutte contre l’exploitation abusive des ressources comme les tortues et les poissons. Depuis des années, on a interdit la coupe des palétuviers. On effectue des contrôles dans tous les recoins de la forêt afin de s’assurer qu’il n’y a pas de violation des lois et des règles que l’on a établies », nous confie Dédé Kinkou, le patrouilleur de l’estuaire des mangroves d’Irodo. De tels changements constituent un signe encourageant pour ces écosystèmes essentiels, longtemps considérés comme condamnés.

Un passé sombre

La perte des mangroves s’est produite à un rythme effréné jusqu’au début des années 2000. Entre 1972 et 1999, la déforestation progressait à une vitesse de 0,4 % par an. L’exploitation du bois pour la production de charbon et la construction, l’expansion agricole et la croissance des villes côtières sont les causes souvent avancées pour expliquer ces pertes. En d’autres termes, les activités humaines nuisent considérablement à la biodiversité. Comme l’atteste Soankasina Gaétan Armel : « les défis de la conservation des mangroves sont les coupes sélectives pour en faire du charbon de bois ou encore du bois de construction. » À cela s’ajoute l’absence de lois (avant 2014), qui a permis une exploitation anarchique des mangroves. Les techniques non adaptées à la conservation ont failli causer le pire.

Les régions du nord ont été les plus durement frappées. Diana et Sofia, où la densité de population est élevée, ont vu leurs mangroves grignotées par l’urbanisation et l’agriculture. Dans la région Boeny, les célèbres mangroves de la baie de Bombetoka et Mahajamba ont reculé sous la pression humaine. Plus au sud, l’aridité a ajouté une menace supplémentaire : dans Menabe et Atsimo-Andrefana, le manque de pluie et la surexploitation du bois ont décimé des centaines, voire des milliers d’hectares de forêts côtières.

Si cette reprise est une lueur d’espoir, elle reste pourtant fragile. Les mangroves sont sous pression face au changement climatique et aux coupes illégales, qui continuent de sévir dans tout le pays. La bataille pour leur survie est loin d’être gagnée. Mais avec ces avancées, Madagascar démontre deux choses : le pire n’est pas une fatalité et la nature, lorsqu’on lui en donne les moyens, peut renaître de ses cendres.

José Belalahy

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