Interview du Dr Manantsoa Clermond : « Les communautés doivent être associées dans les retombées des vente de crédits carbone»

Le directeur régional de l’Environnement et du développement durable (DREDD) de la région Sofia nous parle des mangroves et des alternatives économiques qu’elles offrent pour le développement local. La région Sofia a été l’une des premières à bénéficier des retombées des ventes de crédit carbone.

Quelle est l’importance de la région Sofia dans la conservation de la biodiversité ?

Dr Manantsoa Clermond (Dr. M.C.) : La région Sofia est un peu particulière. A l’échelle nationale, elle est la deuxième en termes de superficie, après l’Atsimo Andrefana, mais elle est en première liste en matière de richesse de la biodiversité. Elle présente une originalité unique à l’échelle du pays car tous les types de climat y sont représentés. L’une des autres grandes singularités de la région est ses quelque 457 km de zones côtières avec 5 baies : baie de Sahamalaza, baie de La Loza, baie de Narindra, baie de Mahajamba, baie de Moramba et la baie de Mahajamba. Elles abritent des espèces fauniques et floristiques uniques à travers des réserves de biosphères incomparables. La région Sofia possède les plus importants sites Ramsar du pays.

En ce qui concerne la couverture forestière, la Sofia est la deuxième, en termes de superficie. C’est un élément central et un poumon écologique important, à la fois. La région recense 12 aires protégées. Conserver cet écosystème a du sens car des espèces endémiques y sont recensées par exemple le fuligule de Madagascar, une espèce de canard rarissime et le lémurien aux yeux turquoise ainsi que d’autres espèces qui font la particularité de la Sofia.

La région recense également un hotspot écologique de premier ordre : les mangroves. Quels sont les enjeux de la protection de ces habitats particuliers?

Dr. M.C. : La journée internationale des mangroves a été célébrée dans le Sofia en 2023. Nous avons profité de cette dynamique pour faire le bilan. La région possède plus de 50 000 ha de mangroves. Une partie est dégradée mais une autre est encore préservée. Mais de la partie nord au sud de la Sofia, nous avons presque 10 000 ha de mangroves ininterrompues. D’où la richesse de production en crabe, crevettes… de ces zones. Ainsi, nous avons décidé de mettre en œuvre une stratégie pour sauvegarder ces trésors inestimables. Nous avons fait appel aux partenaires qui voulaient bien nous accompagner dans cette politique. Les réponses ont été très positives. Beaucoup ont répondu à notre appel. Planète Urgence, Blue Ventures, et Bôndy ont été parmi les premiers qui se sont engagés.

Planète Urgence nous a accompagnés dans cette promotion du transfert de gestion. Bôndy et le Groupe d’étude et de recherche sur les primates (GERP) de Madagascar nous ont épaulés également. Pour solutionner les problématiques de conservation, il est important de développer des activités génératrices de revenu et de trouver des alternatives pour la population riveraine parce que l’usage des mangroves fait partie des pressions qui pèsent sur elles. Des communautés font appel aux mangroves pour faire du charbon, des meubles….

Comment l’approche s’est-elle déroulée?

Dr. M.C. : Nous avons mené beaucoup de dialogues et d’échanges. Quand la mission d’identification et de discussions a été accomplie, il a fallu trouver une manière de compenser les pertes de revenus pour les habitants, à travers des activités sur les terres cette fois-ci. La réflexion a porté sur le fait que la mangrove fait partie du quotidien de la population qui utilise les ressources qu’elle offre pour vivre. Ainsi, il faut trouver des solutions alternatives. Nous les avons orientées vers les forêts terrestres, dans des zones plus vastes. Ainsi, nous avons mené une campagne de reboisement pour des essences à vocation énergétique. A court terme, il fallait trouver des solutions. Nous ne pouvions pas laisser une population affamée. Les gestionnaires ont développé de petites activités génératrices de revenu. Nous avons promu la pêche côtière durable avec le MNP, l’amélioration des chaînes de valeurs… Nous essayons de cadrer l’ensemble de nos interventions pour qu’elles soient au bénéfice de la population et de la conservation.

Le marché du carbone est en vogue. Et les mangroves peuvent tirer leur épingle du jeu. Les spécialistes ont démontré qu’elles comptent parmi les écosystèmes qui séquestrent le plus de gaz à effet de serre. C’est pour cela que le palétuvier, par exemple, est très prisé dans le charbonnage à cause de cette haute intensité de gaz carbonique qu’il peut enfermer. Nous avons pu restaurer près de 1 000 hectares l’année dernière avec les partenaires techniques et financiers. Nous ambitionnons également de restaurer les zones côtières qui sont stratégiques pour contrer l’érosion et en tant que site de ponte de diverses espèces et en alimentant les espèces végétales et animales qui l’habitent notamment les larves. La mangrove est une “maternité” et un refuge pour les espèces contre les prédateurs. 15 communes de la Sofia ont bénéficié des retombées financières de la vente de carbone. Les impacts sont notables : elles ont pu payer des patrouilleurs, construire des infrastructures, comme des écoles ou des hôpitaux, augmenter les aires à conserver qui, en retour, leur permettra de bénéficier de nouveaux fonds. Il est stratégique pour les communes et les gestionnaires de bien gérer les écosystèmes. En effet, de leur performance dépendra le nouveau décaissement. Il est possible de promouvoir davantage la vente de carbone car si les communautés sont associées et qu’elles ont un sentiment d’appartenance.

Raoto Andriamanambe

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