Côtes en danger: l’approche intégrée comme rempart

Le protocole GIZC (gestion intégrée des zones côtières) de la Convention de Nairobi, a finalement été adopté à Madagascar en septembre 2023 après plus d’une dizaine d’années de négociations. Face aux problèmes auxquels sont confrontées les zones côtières de la région Océan indien occidentale (OIO), agir en silo n’est en effet plus une option. « Les solutions prises isolément ne vont résoudre qu'une toute petite partie d'un problème qui est beaucoup plus large » soutient Adèle de Toma, experte en GIZC de la Commission de l’Océan Indien (COI).

Systémique

Migrations climatiques et migrations internes, surexploitation des ressources marines, forte exposition aux phénomènes climatiques extrêmes tels que les cyclones, réchauffement des océans entraînant le déplacement des ressources de la partie Nord vers le Sud, et érosion côtière. Tels sont, selon Michaël Manesimana, expert malgache en changement climatique et Président du conseil d’administration de l’ONG Tany Ifandovana, autant de problèmes auxquels doivent constamment faire face les villes et les populations côtières de Madagascar. Ce sont des faits, et la Grande Île n’est pas le seul pays de la région OIO à les vivre. « L’érosion côtière est une problématique très forte dont on parle beaucoup dans tous les pays de la COI et de façon générale dans le monde entier » nous a expliqué Adèle de Toma, lors d’une descente sur les plages de l’île Maurice, le 14 mai dernier. En effet, d’après les explications de cette experte de la COI, la dégradation des zones côtières implique « l’érosion côtière, mais également la dégradation des écosystèmes côtiers tels que les coraux, les mangroves ou les herbiers marins, lesquels sont des écosystèmes essentiels à toute la chaîne alimentaire ». A tous ces problèmes environnementaux s’ajoute la problématique du « conflit d’usage ». Selon Adèle de Toma, « dans cette petite baie (Baie de Tamarin), il y a des pêcheurs, des touristes, des hôteliers, un secteur privé qui est très présent avec des années d’activités génératrices de revenus, mais qui peuvent être menacés par ces conflits d’usages ou menacés par la dégradation environnementale ». Et pour gérer tout cela, « on adopte de plus en plus dans le monde et dans la région océan indien, cette approche dite gestion intégrée des zones côtières ou GIZC ».

Solutions fondées sur la nature

« Ici, à la Baie de Tamarin, on parle beaucoup de la disparition de la plage, les usagers de cette zone voient la plage se rétrécir d’année en année » nous a exposé Adèle de Toma. En effet, sur cette plage mauricienne prisée par les surfeurs, des filaos avaient auparavant été plantés dans l’espoir de ralentir l’érosion côtière tout en procurant une ombre pour les usagers. Cependant, d’après l’experte en GIZC, « il est maintenant connu que ces arbres, au lieu de limiter l’érosion ne font que l’accélérer ». Aussi, le gouvernement mauricien, à travers son ministère en charge de l’environnement,met-il actuellement en œuvre « des solutions fondées sur la nature qui ont fait leurs preuves en termes d’impacts et de durabilité ». Aujourd’hui, Maurice travaille à retirer progressivement ces filaos de ses plages et à les remplacer par « des espèces végétales qui sont connues pour retenir les sédiments et ainsi freiner l’érosion côtière ». A l’exemple des « lianes Patate à Durand » qui « permettent de retenir le sol, le sable et les sédiments », ou encore « des arbres endémiques/indigènes qui ont un large réseau racinaire ».

Adaptation

Compte tenu de toutes ces problématiques imbriquées les unes dans les autres, « le principal défi, pour Madagascar, serait maintenant de s’adapter à cette situation, à ce contexte, tant en termes de politiques que sur le plan économique » suggère Michaël Manesimana. Comme l’a évoqué Adèle de Toma, prendre les problèmes isolément peut mener à des solutions. Toutefois, l’on ne pourra en espérer « des impacts à grande échelle » ni même « à long terme ». « Notre système économique devrait sérieusement s’adapter à cette nouvelle réalité des zones côtières » insiste alors le PCA de l’ONG Tany Ifandovana.  Et toujours selon lui, cette « stratégie d’adaptation devrait désormais être étendue aux différents secteurs sociaux et économiques ». Le cas de la ville de Morondava est souvent pris comme exemple quand il est question de dégradation côtière à Madagascar. Pourtant, par rapport à ce genre de situation, « il y a des solutions qu’on peut aisément mettre en œuvre et qui ne nécessitent pas la mise en place d’infrastructures grises » soutient Michaël Manesimana.

Résilience avant tout

Ancien coordonnateur de la première phase du Projet d’adaptation des zones côtières au changement climatique (PAZC) à Madagascar, ce dernier a relaté les efforts déjà fournis par ce projet pour les cas tels que Morondava. « Nous avons établi une cartographie permettant de visualiser l’évolution des risques d’inondation sur une période de 50 ans, dans plusieurs communes, dont celle de Morondava » explique-t-il. Ce qui constitue un outil d’aide à la décision et de planification spatiale « très pratique ». En effet, à partir de ce genre d’outil, les communes devraient être à même de développer des schémas d’aménagement qui tiennent entièrement compte de ces risques, leur permettant ainsi de mieux réglementer les projets de construction. « La commune devrait avoir un plan bien défini des zones constructibles, et inciter les gens à construire dans ces zones-là » suggère-t-il. Avant de rajouter, « l’on devrait également avancer vers la mise en place des schémas d’aménagement marin ». Ce, en mettant l’accent sur la nécessité aujourd’hui de prioriser « le développement des filières résilientes ».

« Pour moi, la priorité est d’appuyer les filières résilientes car le pire ennemi de nos ressources naturelles actuellement, c’est la pauvreté ». S’adapter serait, selon notre interlocuteur, « de mettre en place des filières résilientes telles que la pisciculture, l’algoculture, … ». « Nos pêcheurs peuvent par exemple pratiquer simultanément la pêche et la piscicultureIl faut que les populations puissent valoriser leurs produits et aient cette capacité de résilience… » C’est sur cette synergie des actions, qui tient compte des réalités locales, que repose aujourd’hui la perspective de ralentissement de cette dégradation côtière. Ce, au profit d’un développement local durable et inclusif.

Karina Zarazafy

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