Sur le littoral du Grand Sud de Madagascar, plus précisément le long des côtes du Fokontany Homankazo, commune rurale de Sampona, district d’Amboasary, région Anosy, les dunes de sable arborent des formes géométriques régulières. S’étendant sur 38,5 ha le long des côtes, des cadrans de vingt-cinq mètres carrés sont intercalés par des lalanda et des sisals plantés par 1616 personnes (704 femmes et 912 hommes) issues de la population de la communauté locale depuis le mois d’octobre.
L’objectif consiste à retenir les sédiments et à freiner le mouvement/déplacement des sables. Car oui, la menace est réelle pour cette commune où la population est constituée à 80 % d’agriculteurs si l’on s’en tient aux explications de son maire Limbiraza Gilbert. La force et la pression des vents du Sud déplacent les sables des dunes vers les terres cultivables, les champs et les zones habitées. « Les pertes de récoltes ont été importantes, surtout en période de Tiomena », soutient l’élu de Sampona.
Le souffle du changement

Le vent est toutefois en train de tourner. Ces dunes qui ont représenté des menaces pour la population locale constituent actuellement la promesse d’un avenir meilleur. « Je projette de planter des bageda (patate douce) et des sorghos sur ces cadrans une fois que ces dunes seront fixées définitivement », nous confie, plein d’espoir et assez timidement, un patriarche de ladite commune qui n’a pas accepté de donner son nom. En effet, depuis quelques années, le gouvernement malgache, à travers le projet Mionjo financé par la Banque mondiale, s’est donné comme mission de fixer 3000 ha de dunes le long des côtes du Grand Sud.
Pour cela, le projet travaille en partenariat avec des agences d’exécution dont l’organisation non gouvernementale Catholic Relief Services ou CRS.
Pour le cas de la commune rurale de Sampona, par exemple, cette initiative est menée suivant l’approche argent contre travail. Les efforts et techniques de fixation biologique portent leurs fruits. « Depuis le mois d’octobre 2024, 38,6 ha de dunes sont fixées ici. 1616 personnes ont participé à l’initiative et ont été payées à raison de 8 400 ariary la journée », précise avec fierté Njarasoa Fils Brillant, agent auprès de CRS. Lalanda et sisals commencent à retenir les sédiments de sorte à garder les dunes aux mêmes endroits. Les projections avancent des taux de réussite encourageants : un taux de déplacement de moins de 75 % après un an d’installation, ce qui atteint les moins de 95 % en trois ans. « Au bout de cinq ans, les dunes seront totalement fixées et la population pourra les utiliser pour la culture.
Sauvegarde sociale
La fixation des dunes apporte également un changement palpable dans le quotidien de la population. L’argent obtenu dans le cadre de l’argent contre travail permet à ces communautés de mieux affronter leur quotidien et surtout les périodes de soudure. « Depuis que nous travaillons avec le CRS dans le cadre du projet Mionjo, on vit mieux. Nous pouvons scolariser nos enfants et gérons mieux nos foyers avec nos épargnes », témoigne Masy Soazoro Françoise, une bénéficiaire de cette initiative. La répartition des 8 400 Ar en est l’explication.
« Sur les 8 400 Ar, 5 000 Ar sont affectés aux besoins quotidiens des participants. Les 3 500 Ar restants sont affectés à des épargnes communautaires. » Outre la promesse de réutilisation des dunes à des fins agricoles, l’approche cash for work menée à Sampona renforce l’adhésion communautaire. Un comité de gestion gère les dunes fixées dans l’objectif de pérenniser les acquis. À travers un dina, les communautés ont ainsi mis en place un certain nombre de règles communes et acceptées par tous qui favorisent la conservation et la protection des cultures de sisal et de lalanda. Un travail avec les autorités nationales serait actuellement opéré afin de mieux cadrer ces règles.
Si les efforts portent leurs fruits, les dunes de Sampona et de toutes les côtes Sud du pays feront partie des leviers du développement des régions. D’ici là, la communauté de Sampona sent déjà un changement dans le comportement du vent du Sud et du climat local. « La force du vent du Sud a changé, cela a diminué, du moins selon nos ressentis », témoigne Limbiraza Gilbert. Mais ce qui a le plus changé, ce seraient les précipitations et la pluie. « On en a plus, comparé aux années auparavant. Ce qui est une bonne chose pour les agriculteurs de la commune », conclut le maire de Sampona.